Françoise Gilot et Carlton Lake," Vivre avec Picasso" ( Extrait )

     "Quand j'ai découvert l'art nègre, il y a 40 ans, et que j'ai peint ce qu'on apelle mon époque nègre, c'était pour m'opposer à ce qu'on appelait beauté dans les musées. A ce moment-là, pour la plus part des gens, un masque nègre n'était qu'un objet ethnographique. Quand je me suis rendu pour la première fois avec Derain au musée du Trocadéro, une odeur de moisi et d'abandon m'a saisi à la gorge. J'étais si déprimé que j'aurais voulu partir tout de suite. Mais je me suis forcé à rester , à examiner ces masques, tous ces objets que des hommes avaient exécutés dans un dessein sacré, magique, pour qu'ils servent d'intermédiaires entre eux et les forces inconnues, hostiles, qui les entouraient, tâchant ainsi de surmonter leur frayeur et en leur donnant couleur et forme. Et alors j'ai compris que c'était le sens même de la peinture. Ce n'est pas un processus esthétique; c'est une forme de magie qui s'interpose entre l'univers hostile et nous, une façon de saisir le pouvoir , en imposant une forme à nos terreurs  comme à nos désirs. Le jour où j'ai compris celà, je sus que j'avais trouvé mon chemin".

Françoise Gilot, Carlton Lake,

 Vivre avec Picasso, Calmann-Lévy,1965, p. 248



02/06/2007
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